Quand tu es skipper “ pro” il ya deux choses sur lesquelles tu peux pas être toujours exigeant .
1 c’est la météo , car on a toujours des objectifs de date de départ et d'arrivée à respecter . Le vent et la mer s'en foutent de tes ptits problèmes et le vent il souffle comme il veut et quand il veut que ce soit en tempête ou en calme plat..
La mer elle s’agite des fois dans un pire état comme une femme qui a ses nerfs ( propos un peu misogyne mais bon) ..
Mais ma plus grande angoisse n’a jamais été un force 10 mais un calme prolongé que j’ai connu dans la mer des Sargasses je raconterais cela plus loin promis .2 C’est la qualité de ton équipage, car c’est pas toujours facile de trouver des bras aguerris en 3 jours et prêts à partir 20j en Mer en restant cool et sans trop de problème de vomissements ou de claustro dans le confinement étroit( le mot est à la mode en ce moment) d’un bateau .
En plus ce coup là. je dois absolument trouver une cuisinière car Jacques insiste car pour le charter c’est fondamental..
Je suis un pro et même si j’en ai rien a foutre je trouve une cuisinière .. une Anglaise qui a l’air de connaître mais bon. Elle avait des seins énormes mais j’ai pas testé à part sa cuisine de merde de rosbeef ….
Les bon(nes)s sont déjà réservés par les habitués, les pro du Charter.
Moi je suis pas un mec de Charter je suis un convoyeur ..un mec qui amène un canot d’un point A à un point B quelque soit le temps et la destination et avec toutes les manilles qui brillent au soleil ! .. c’est cela mon KIFF.
En résumé je pars encore avec des “Bras cassés” mais à la guerre comme à la guerre….et je suis pas à mon coup d’essai … et vu le casting sur la remontée de l’Océan Indien et la Mer rouge je peux pas tomber sur pire mais je connais Aquarius comme mon propre gant malgré ses faiblesses et je suis serein
Ce n’est qu'une transat d’Est en Ouest .. bon ça doit rouler tranquille. j’en ai déjà 5 dans les bras et de nombreux convoyages hivernaux, des traversées du Gascogne en plein hiver ect ect.
j’ai été aussi à la bonne école et fait mes classes avec des coureurs qui pour gagner un peu de tune faisait du convoyage et en profitaient pour s'entraîner. Je pense à Henri Chemineau avec qui j'ai fait des entrainement de 470 quand je régatais en dériveur vers 18 ans à Verneuil sur Seine . Henri a fait le bataillon de Joinville et le championnat Europe en Finn en prépa Olympique et 470 puis il a embarqué avec le maître de tous à savoir Eric Tabarly himself .. C'était vraiment une tête de con ..mais il envoyait du très très lourd et envoyer un spi lourd par 40 noeuds je sais faire ..….
On a rejoint Fort de France sans problème mais je dois à ce convoyage le plus gros coup de vent de toute ma carrière…tout bêtement en Mer d'Alboran la partie de la Méditerranée juste avant Gibraltar..
Le problème du gros vent .; c’est évidemment la force Beaufort et la taille des vagues , mais aussi la Mer à courir c’est à dire l'espace dont tu dispose .. et en Alboran tu as d’un côté l’Espagne et de l’autre le Maroc .. quand tu as plus de 60 nœuds que tu tiens pas debout sur le pont et que tes joues ,bien qu'encore fermes à 32 ans, se mettent à vibrer tu te dis que 100 miles c’est très très étroit , 50 d’un côté et 50 de l’autre et tu es pas trop manœuvrant.. c’est chaud ...….La seule fois ou j’ai mis en cap sèche pendant plus de 24 h et sur un canot de de 72 pieds et de 40 tonnes .. au secours.. La météo espagnole donnant comme consigne de clouer les volets des maisons en bord de mer ….Ambiance rock and roll !!! mais l'arrivée aux Antilles est toujours un enchantement , une magie.. toujours parmis mes plus beaux souvenirs…
J’ai réussi tranquille à atteindre Gibraltar … puis pris la route du sud à bâbord On a eu encore un gros coup de Sud Ouest au sud du cap Finistère mais ça allait .. en tous les cas mieux que les concurrents de “La Baule Dakar qui se déroulait en même temps et qui prenait très cher en dégolfant du Gascogne. C’est là que Daniel Gilard, skipper de "Jet-Services a giclé du bord et a disparu à jamais…
On causait en BLU à l'époque “la bande latérale unique “ via le Conquet radio.
Kersauson était dans la course et c'était dingue de l’entendre delirer au Micro foutant une ambiance de fou , ce mec est génial avec un micro et pas besoin d'être sur “ les grosses Têtes “ je l’aimais pas trop mais la j’ai commencé à l'apprécier . et j’ai ensuite tiré mon chapeau quand à la troisième tentative il a eu le Trophé Jules Verne .. respect pour ce mec c’est pas qu'un rigolo!. .
Je récupère le futur Skipper et sa femme aux Canaries et après un peu de Sud on accroche les Alizés et après la Martinique c’est tout droit.
Par chance c’est des Australiens et eux sont super sympas “Friendly comme on dit” pas comme les rosbeefs qui méprisent les “froggy” comme moi, surtout quand l’union Flag flotte au cul du bateau...
Je leur file les clés du camion sans problème.
J’ai un peu envie de rentrer en France et après un bon mois aux Îles avec Gégé qui m'héberge sur Gémini je prends un vol pour Paris..
Après c’est un peu beaucoup la galère .. j’essaye de monter un projet en rachetant un Catamaran de course avec un pote mais c’est très merdique. Avec du recul je prends conscience de mon manque de maturité . Quel con ! je finis par être mal et finalement ne plus à avoir la foi et cette vie qui commence à me lasser...et pourtant j'y ai sacrifié pas mal.
Les travaux sur le Formule 40 “Gaj Neptune” racheté à Jean Yves Terlain n’avance pas et je comprends la grosse conneries que j’ai fait.
Je suis à Hyères et prépare aussi des bateaux pour qu’il soient convoyés vers la Grèce.
Du coup je retrouve Laurent Bourgon qui convoie et qui n'était pas la star qu’il deviendra et le vainqueur de la route du Rhum entre autre.
Je l’avais connu à Casablanca à l'arrivée de la course d’amateurs la “Transat de Alizés”, que je surnommais la Transat de Alcoolisés !
On était concurrent dans la Classe des moins de 12 mètres lui comme équipier sur un Swann 38 de la Trinité et moi je skippais un proto en Alu “ Tonus” pour le compte d’un médecin, un ancien copain de ma soeur.
J’ai fait deuxième à la première étape derrière le Swann et c'était pas mal vu mon équipage de médecin BCBG en manque de sensations ..ils avaient été servis car on a passé 12 jours à en prendre plein la Tête. J'étais quasi seul à assurer et je bouffais que des Mars et des boîtes de choucroute froide Au près serré dans la grosse mer je pouvais pas en plus organiser un “dîner presque parfait” ..
Je causais en VHf avec le directeur de course c'était Michel Malinowski .. le gars qui avait perdu la première route du Rhum pour 18 secondes ..un grand Skipper mais une vrai tête de con pas top sympa. Un des mecs vomissait en permanence et une nana médecin directement dans l’évier.
C’était l’enfer, mais à l'époque j’avais la rage de naviguer, j’aimais ça et même que ça, plus que tout.
Ma raison d'exister et de me sentir vivant !.
Je considérais Laurent un peu comme un p'tit branleur un peu présomptueux mais bon il était sympa avec sa grosse tignasse blonde et il avait pas 20 ans .
Un an après je l'avais croisé par hasard aux Halles à Paris .il portait un petit blouson blanc très léger comme c'était un peu la mode à l'époque avec marqué Essilor, son futur sponsor !
il me disait qu’il allait tenter la transat de l’Atlantique en Hobby cat 16, un catamaran de plage...On avait rigolé un peu car il m’avait vu en photo chez une copine que j'avais croisée à Dakar quand j’étais avec le Lisa mon propre bateau..Je m'étais dit quel branleur…
Quelques temps après ,’ai vu des photos de son arrivée après sa traversée ! il avait réussi cet étonnant exploit … Comme dit l’autre “ faut être sévèrement burné”.
Je l’avais retrouvé ensuite aux Canaries à l'arrivée de la première étape de la Mini transat où il avait pulvérisé les autres concurrents. C'était simple pour lui et il était sûr de gagner la deuxième étape.. !
Après son bateau j’ai préparé aussi celui de Jean François Coste .. dit Costo ..;un equiper navigateur médecin de Tabarly .. qui avait aussi besoin de fric et convoyait par la même agence .. “Kavos”
J’adorais ce mec super cool qui avait quand même tourné avec Tabarloche sur la première course au tour de monde, la mythique Whitbread . Il me disait :ce mec est un dingue il ira très loin…
j’ai eu des new's de lui y'a pas longtemps, il s'occupe de l’ancien bateau de l’Abbé Pierre.. comme quoi .
Le temps passe, je merdouille de plus en plus .. et je repars la mort dans l'âme sur la Nasshi.
Et la cela a été l’enfer pendant 3 mois...j'étais largué, le moral à moins de zéro.J’étais perdu et commençais à picoler sec aussi” à “The Club”…
Je repense à lui car des fois on arrivait à choper le Figaro
Le Figaro annonçait aussi la victoire de Laurent à la solitaire du Figaro et avec un bateau d'occasion, un ancien truc dépassé techniquement avec des voiles d'occasion.. Je m'étais dit que l’ on sortait pas de la même fabrique. Lui au top et moi a me morfondre dans cette univers de chiotte
Laurent c’est noyé bêtement il y quelques années .. j’ai versé une grosse larme ce jour là !
Je garderai toujours en mémoire ses paroles quand il m’avait raconté que en course il foutait quasiment toute la bouffe même l’eau 3 jours avant l’arrivée pour se mettre dans des conditions psychiques extrêmes qui lui permettaient de se surpasser et de gagner .C’est cela aussi un grand champion.
Mais c'était chaud en 1988 à cause de la guerre Irak Iran et on était pas loin.
Quand je regardais les cartes des hostilités dans le Figaro j’avais un peu froid dans le dos. En particulier je cite :
Le 3 juillet 1988, l'Airbus A300 du vol 655 d'Iran Air est abattu par erreur au-dessus du golfe Persique par des missiles tirés par le croiseur américain USS Vincennes. La catastrophe fait 290 victimes, dont 66 enfants. Ce vol commercial de la compagnie nationale Iran Air reliait Téhéran aux Émirats arabes unis.
En plus des missiles Silkwork volaient bas et des mines flottantes avait pétées sur le champ de Total ABK un peu au nord.
Un soir j'étais un peu bourré à “The Club” je reçois un coup de tel de mes parents ! Ils m'annoncent que je suis validé pour refaire un DEA d'informatique en Septembre .
J’avais fait un dossier sans trop y croire grâce à un pote que j’avais connu au Maroc quand j'étais prof là bas.
Je chiale de joie car cela va me sortir de la merde dans laquelle je me suis enlisé.
Encore 10 jours et c’est la quille. Allez zou me voilà dans le Surply Boat direction la Base.
Les Thaïs du bord font un gros barbecue avec des poiscards qu’ils ont pêchés,c’est la fête. Je suis Joyeux et ensuite je vais dormir tranquille malgré le bruit des Perkins et des relents de gas-oil .Je me réveille cela fait plus de 8 h , c’est long, c’est bizarre ?? .. puis je prends conscience que l’on fait du NORD donc dans la direction opposée de la route logique .. Le capitaine me dit qu’il vient de recevoir l'ordre de monter sur ABK rechercher une équipe car c’est trop chaud la bas ….. Purée.. les heures les plus longues que j’ai passées en mer...je me disais putain avec un peu de chance on va se payer une mine dérivante …..
Il m’a fallu plus d’un an pour ne plus trop faire des cauchemars sur ce dernier séjour. Mais j’en fais encore quelques fois....